Pour consulter l'article en ligne sur le site du Parisien, cliquez ici

© Le Parisien Edition des Hauts-de-Seine
mercredi 20 juillet 2011

Décès après une garde à vue : la version policière vacille encore
Par Valérie Mahaut

Voilà six ans et demi qu’Abou Bakari Tandia est mort après une nuit en garde à vue au commissariat de Courbevoie. L’ultime rapport que les experts de l’Institut médicolégal (IML) viennent de rendre, et qui est fondé notamment sur la reconstitution de la nuit fatale à ce Malien, arrêté en situation irrégulière, apporte des réponses sur les circonstances du drame.

L’instruction, pour le moins chaotique, avance enfin vers un probable épilogue. Selon ce dernier rapport des experts, transmis en juin, Abou Bakari Tandia a donc succombé à « une privation d’oxygène due à des contentions répétées alors qu’il aurait présenté un état d’agitation important et qu’il se serait débattu ».
En clair, un policier a saisi Tandia à plusieurs reprises, notamment « de façon ferme », à hauteur de la cage thoracique et de la nuque alors qu’il était excité et tendu. L’agitation, la consommation de cannabis de la victime, les « contentions », et particulièrement la dernière ont produit le cocktail mortel.
Exit la thèse des violences qu’Abou Bakari Tandia se serait infligées lui-même. Depuis le début de l’affaire, les cinq policiers présents au commissariat cette nuit de décembre 2004 soutenaient que Tandia s’était précipité tête la première contre la porte de sa cellule avant de perdre connaissance.

Le gardien de la paix était interrogé comme témoin assisté
« Nous avons maintenant la certitude qu’Abou Bakari n’est pas tombé dans le coma après s’être cogné la tête, contrairement à ce que soutiennent les policiers depuis six ans », insiste Yassine Bouzrou, l’avocat de la famille de la victime.
Au vu des dernières conclusions de l’Institut médicolégal, le parquet de Nanterre vient de demander à la juge d’instruction d’interroger de nouveau le gardien de la paix qui aurait fait la « contention thoracique » ayant « abouti à l’anoxie (NDLR : la privation d’oxygène) terminale ». La juge pourrait le mettre en examen pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner », voire pour « homicide involontaire ».
A moins qu’elle estime les charges insuffisantes pour une mise en examen.
Jusqu’à présent, le gardien de la paix en question et ses quatre collègues étaient interrogés comme témoins assistés, un statut intermédiaire entre le simple témoin et celui de mis en examen.

Un dossier émaillé d’incidents
La reconstitution de la nuit en garde à vue passée au commissariat de Courbevoie et fatale à Abou Bakari Tandia, le 5 décembre 2004 n’a eu lieu qu’en avril dernier… Un délai difficilement explicable. Le dossier judiciaire concernant la mort d’Abou Bakari Tandia a décidément l’air frappé du mauvais sort, tant il est émaillé d’incidents.
Entre un premier classement sans suite de l’affaire, des pièces à conviction ou documents égarés, et les rapports d’experts retardés, les années ont passé. Ce n’est qu’en 2008 que le parquet de Nanterre a ordonné au juge d’enquêter sur la disparition du dossier médical du Malien. Un an plus tard, il lui demandait d’interroger les policiers en poste pendant la garde à vue. Ceux-ci ont finalement été convoqués chez la magistrate… à l’automne dernier.