Enquête-police-décès-Mali,LEAD
NANTERRE, 3 sept 2009 (AFP) -

Un complément d'expertise de l'Institut médico-légal (IML) que l'AFP a pu consulter dans l'enquête sur la mort d'un sans-papiers malien après sa garde à vue à Courbevoie (Hauts-de-Seine) en 2005 contredit la version policière, "peu compatible avec les constatations médicales et médico-légales".
Selon la version policière, le Malien de 38 ans, Abou Bakari Tandia, s'était volontairement cogné la tête contre la porte de sa cellule, provoquant lui-même sa chute dans le coma.
Mais les trois experts de l'IML constatent que "nulle part" dans les différents dossiers n'apparaît "une lésion traumatique crânienne ou crânio-faciale par choc direct contre un plan dur".
De plus, "l'exiguïté de la cellule de garde à vue ne permet pas de prendre un élan et une accélération suffisants pour créer ce type d'oedème cérébral".
Ainsi, "la déclaration" d'un gardien de la paix "qui aurait assisté à la projection de la victime contre la paroi de la cellule de la garde à vue est peu compatible avec les constatations médicales et médico-légales".
Les médecins légistes évoquent plutôt "un ébranlement cérébral par violente(s) secousse(s) de la victime (...)".
Les trois experts avaient déjà remis un premier rapport en octobre 2008 à la juge d'instruction de Nanterre chargée de l'enquête, mais sur la base d'une partie seulement du dossier médical, car des pièces avaient disparu à l'hôpital Louis Mourier de Colombes (Hauts-de-Seine) où avait été admis le gardé à vue.
Après que l'ensemble du dossier a été retrouvé, ils ont à nouveau été saisis par la juge.
Abou Bakari Tandia avait été interpellé le 5 décembre 2004 à Courbevoie pour séjour irrégulier. Placé en garde à vue, il était tombé dans le coma le lendemain et hospitalisé, avant de décéder près de deux mois plus tard sans reprendre connaissance.
Après une première enquête, le parquet avait classé le dossier sans suite le 10 mars 2005, mais l'oncle et le frère de la victime avaient déposé une plainte avec constitution de partie civile, entraînant l'ouverture d'une instruction.
Interrogé par l'AFP, le parquet de Nanterre a expliqué jeudi matin qu'il avait demandé de nouvelles investigations le 28 août dernier: d'une part l'audition des experts "pour faire préciser les conclusions de leur premier et de leur second rapport qui présentent des divergences" et d'autre part l'audition des policiers "présents au commissariat de Courbevoie dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004".
Dans leur premier rapport, les experts de l'IML avaient conclu à un oedème cérébral provoqué par un "choc de la tête contre un plan dur" mais dont l'origine ne pouvait "être déterminée".
Sollicité par l'AFP, l'avocat des parties civiles, Me Yassine Bouzrou, estime pour sa part "qu'il existe aujourd'hui plusieurs indices graves et concordants qui justifieraient des mises en examen".

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