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"Dans son rapport annuel publié jeudi 27 mai, Amnesty International s'alarme de cas d'usage excessif de la force par des policiers en France (voir la situation pays par pays) et revient sur trois affaires récentes pour lesquelles elle dénonce la lenteur des enquêtes mais aussi un manque"d'indépendance et d'impartialité" de la justice.

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Interpellé en tant que sans-papiers, Abou Bakari Tandia sombre dans le coma au cours de sa garde à vue au commissariat de Courbevoie (Hauts-de-Seine), le 5 décembre 2004. Il meurt à l'hôpital un mois et demi plus tard. L'affaire est d'abord classée sans suite. Mais la famille du défunt, qui a constaté sur son corps ce qui ressemble à des traces de coups, porte plainte avec constitution de partie civile, entraînant l'ouverture d'une enquête. Celle-ci est jalonnée d'incidents. Le dossier médical disparaît plusieurs années : la première expertise est ainsi réalisée sans cet élément clé. L'inspection générale des services de police (IGS) conclut à l'absence de faute et valide la version policière selon laquelle l'homme s'est volontairement cogné la tête dans le mur. Quant à la caméra de surveillance qui aurait pu montrer ce qui s'était passé ce soir-là, elle était, selon les policiers, en panne, les fils ayant été arrachés par un précédent gardé à vue.

Le dossier médical réapparaît finalement fin 2008, quelques semaines après que l'avocat des parties civiles a porté plainte pour vol. Une nouvelle expertise est faite, à la demande des parties civiles. Le rapport rendu en juillet 2009 par l'Institut médico-légal de Paris remet en cause la version policière : l'homme n'est pas mort d'un coup à la tête, mais des suites de violentes secousses. "Mais étrangement, ce rapport n'a pas décidé le magistrat instructeur a auditionné les policiers" s'étonne Me Yassine Bouzrou avocat des proches d'Abou Bakari Tandia. "Il a préféré ré-interroger les experts médicaux sur le contenu de leur rapport. Et pour cela, il a pris tout son temps : ils n'ont été convoqué que sept mois après la remise de leurs conclusions, début 2010. Et depuis, plus rien..." La version de la panne de caméra a également souffert : le commissaire a reconnu n'avoir jamais eu connaissance d'une panne, et de nouvelles investigations ont prouvé qu'elle était placée trop haut pour qu'on puisse en arracher les fils.

La partie civile, mais aussi, fait plus rare dans les affaires impliquant des policiers, le parquet, demandent depuis août l'audition des policiers, sans résultat. Ces derniers n'ont ainsi été entendu que par l'IGS, et, bien que l'expertise est invalidée leur version des faits, n'ont jamais comparu devant la juge d'instruction. Devant l'inertie de l'instruction, l'avocat des parties civiles devrait saisir la Chambre de l'Instruction de Versailles avant l'été pour demander qu'elle se substitue au magistrat instructeur, comme elle en a le droit.

Pour en savoir plus :

- le site de l'association Vérité et justice pour Abou Bakari Tandia

- l'article du Monde du 26 janvier 2009 : L'étonnant dossier judiciaire d'un homme mort en garde à vue

- l'article du Monde du 4 septembre 2009 : Une enquête met en doute la version policière d'un décès en garde à vue