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© Le Parisien Edition des Hauts-de-Seine
MARDI 27 DÉCEMBRE 2011
COURBEVOIE
Par Valérie Mahaut

Tandia : nouvelle expertise médico-légale six ans après

Incroyable revirement dans l’instruction de l’affaire Abou Bakari Tandia, ce Malien mort il y a sept ans après sa garde à vue à Courbevoie. Alors que l’information judiciaire ouverte en 2005, émaillée d’incidents et de retards, était enfin sur le point d’aboutir, la nouvelle juge en charge du dossier vient de prendre une décision qui risque d’enliser définitivement ce dossier.

Succédant à quatre magistrats, elle a ordonné le 12 décembre une énième expertise médico-légale « afin de déterminer les causes et les circonstances du décès de M. Tandia ». Le parquet avait pourtant délivré en juillet un réquisitoire pour « homicide involontaire ». Le policier le plus impliqué dans cette triste histoire devait ainsi être confronté à ses contradictions pour être mis en examen ou éventuellement bénéficier d’un non-lieu.
Ce nouveau délai est inacceptable pour la famille de la victime, qui se demande si la justice envisage d’aller au bout de l’instruction. Remonté, l’avocat des proches de Tandia, Yassine Bouzrou, a donc saisi la Cour de cassation d’une requête en dessaisissement pour « suspicion légitime » le 22 décembre.

En clair, trop c’est trop. Aussi, il demande à la plus haute juridiction de s’interroger sur cette première décision de la dernière juge en charge de l’affaire, et plus largement sur les atermoiements des magistrats du tribunal de Nanterre dans ce dossier — et souhaite le voir confié à une autre juridiction.

Un premier classement sans suite

Quelques semaines après l’autopsie du corps de Tandia, mort le 25 janvier 2005, le parquet classe l’affaire. Le Malien était dans le coma depuis le 6 décembre, lendemain de sa garde à vue au commissariat, dont il est sorti inconscient.

Des pièces à conviction égarées

A la suite de la plainte avec constitution de partie civile de la famille, un juge est saisi du dossier, mais les années passent. Indispensable, le dossier médical du Malien reste introuvable. Il faudra une enquête du parquet pour « vol de dossier médical », en 2008, pour qu’il ressurgisse enfin après quatre ans de vaines recherches à l’hôpital. Evaporé aussi, le rapport d’un radiologue réapparaîtra bizarrement fin août 2008 sur le bureau d’une juge. La « panne » des caméras de surveillance du commissariat, évoquée par les policiers, n’a par ailleurs jamais été démontrée.

Une lenteur singulière

Faute de dossier médical, l’Institut médico-légal (IML) mettra presque quatre ans à infirmer la thèse policière selon laquelle Tandia se serait blessé tout seul en se jetant contre la porte de sa cellule. Avec le dossier et après reconstitution des faits, l’IML conclura enfin, le 15 juin 2011, à un décès par « privation d’oxygène due à des contentions répétées alors qu’il était dans un état d’agitation et s’est débattu ».

Dans l’intervalle, les médecins ont été interrogés sur les contradictions de leurs rapports précédents. Chargée de les entendre, la juge mettra plus de six mois à les convoquer. Le premier interrogatoire des cinq policiers présents la nuit du drame n’a eu lieu qu’à l’automne 2010. La reconstitution des faits n’a été programmée qu’en avril dernier. L’expertise ordonnée le 12 décembre est censée être remise fin février. Difficile de croire que le délai sera tenu.