La liste s'allonge...
Alors que les médias vont état, ce début janvier, d'un nouveau cas d'interpellation violente ayant entrainé le coma de Wissan El-Yamni, un jeune homme de Clermont Ferrant, dans la nuit de 31 decembre au 1er Janvier 2012, notre association Vérité et Justice pour Abou Bakari Tandia souhaite relayer ici la LETTRE OUVERTE CONCERNANT DES PERSONNES MORTES AUX MAINS DE LA POLICE, rédigée par 7 responsables internationaux d'Amnesty à destination de Michel MERCIER, Ministre de la justice.

Cette lettre est téléchargeable sur le site d'Amnesty International France en cliquant ici (voir tout en bas de la page sur le site d'Amnesty).

© Amnesty International
Amnesty International a enquêté sur des allégations de mauvais traitements et d'usage excessif de la force mettant en cause des agents de la force publique, et sur l’impunité de fait dont certains peuvent bénéficier. Le nouveau rapport intitulé « France, notre vie est en suspens, les familles des personnes mortes aux mains de la police attendent que justice soit faite » (index : EUR 21/003/2011, 30 novembre 2011) illustre, à travers cinq cas, les préoccupations d’Amnesty International concernant l’absence d’enquêtes indépendantes et exhaustives dans certaines affaires impliquant des agents de la force publique.

Ce rapport repose principalement sur les témoignages des familles, des comités de soutien et des avocats recueillis en France par des représentants d’Amnesty International lors d’une mission menée en septembre et octobre 2011, et souligne les répercussions pour les familles des victimes du fait de la lenteur et l'inadéquation des enquêtes. Tous les parents des victimes interrogés ont évoqué l'effet terrible que le décès, puis le sentiment de ne pas avoir accès à la vérité et à la justice, ont eu sur eux et sur leur capacité à faire leur deuil. Les cinq personnes décédées appartenaient à des minorités dites « visibles »: un Français d'origine sénégalaise et quatre ressortissants étrangers originaires du Mali, de la Tunisie, d'Algérie et du Maroc. Les parents des victimes ont déclaré à Amnesty International que leurs gouvernements respectifs ne leur ont apporté que peu ou pas de soutien dans leur quête de justice.

Cinq cas sont présentés dans le rapport. Abou Bakari Tandia, un Malien de 38 ans, décédé suite à sa garde à vue en décembre 2004, à Courbevoie. Lamine Dieng, un Français d'origine sénégalaise âgé de 25 ans, décédé au cours de son interpellation en juin 2007, à Paris. Abdelhakim Ajimi, un Tunisien de 22 ans, décédé pendant son interpellation en mai 2008, à Grasse. Ali Ziri, un Algérien de 69 ans, décédé suite à son interpellation en juin 2009, à Argenteuil. Mohamed Boukrourou, un Marocain de 41 ans, décédé pendant son interpellation en novembre 2009, à Valentigney.

Amnesty International est profondément préoccupée car, à ce jour, les allégations dont fait état ce rapport ne semblent pas faire l’objet d’enquêtes adéquates et approfondies dans les meilleurs délais.

La majorité des agents de la force publique impliqués n’ont pas été mis en examen et, à notre connaissance, sont toujours en fonction.

La France est tenue de respecter le droit à la vie, de le protéger et de veiller à ce que le recours à la torture et aux autres mauvais traitements soit absolument prohibé. Cette obligation comporte un élément essentiel : la nécessité de diligenter dans les meilleurs délais des enquêtes exhaustives, impartiales et indépendantes respectant le droit international relatif aux droits humains.

En outre, Amnesty International est consternée de constater que, même si l'âge, l'origine sociale et la nationalité des victimes de violations des droits humains commises par les agents de la force publique varient, les cas portés à sa connaissance concernent, dans leur grande majorité, des personnes appartenant à des minorités « visibles ». Amnesty International avait déjà relevé ce phénomène dans deux précédents rapports, l'un publié en 2005 et intitulé « France, pour une véritable justice » (index AI : EUR 21/001/2005), l'autre publié en 2009 et intitulé « France, des policiers au-dessus des lois » (index AI : EUR 21/003/2009).

Compte tenu de ce qui précède, Amnesty International vous demande instamment de prendre des mesures pour vous assurer que les enquêtes diligentées sur les cas de décès impliquant des agents de la force publique soient réellement menées dans les meilleurs délais et soient exhaustives, indépendantes et impartiales, en particulier pour Abou Bakari Tandia, Lamine Dieng, Abdelhakim Ajimi, Ali Ziri et Mohamed Boukrourou.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de notre haute considération

Nicola Duckworth, Directrice du Programme Europe et Asie centrale, Secrétariat international d’Amnesty International.
Geneviève Garrigos, Présidente d'Amnesty International France.
Ali Yemloul, Président d'Amnesty International Algérie.
Mohamed Sogoba, Coordinateur Actions Urgentes d'Amnesty International Mali.
Salah Abdellaoui, Directeur Executif d'Amnesty International Maroc.
El hadj Abdoulaye Seck, Chargé de la mobilisation d'Amnesty International Sénégal.
Sondés Garboug, Présidente d'Amnesty International Tunisie