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© Le Parisien Edition des Hauts de Seine - Vendredi 15 mars 2013

Garde à vue mortelle : le non-lieu confirmé
Par Valérie Mahaut

A croire que la justice tient vraiment à enterrer le dossier. A croire aussi que les circonstances du décès d’Abou Bakari Tandia, ce Malien mort voilà huit ans après sa garde à vue au commissariat de Courbevoie, ne méritent pas d’être éclaircies. Dans son arrêt du 12 mars, la chambre de l'instruction de la cours d'appel de Versailles confirme le non lieu rendu par 2 juges d'instruction en septembre dernier.

Une décision qui écarte la perspective d'un procès pour les p oliciers présents la nuit du drame. Pour l'un d'eux en particulier, dont le parquet avait pourtant requis la mise en examen pour "homicide involontaire" car dans la nuit du 5 au 6 décembre 2004 au commissariat il fit une "prise d'étranglement" a Abou Bakari Tandia pour le calmer et le ramener en cellule.

Ses proches se disent "consternés"

Cette demande, le parquet l'a faite après 6 ans d'une instruction émaillée de dysfonctionnements - dont la disparition de pièces à convictions. Mais la dernière juge chargée de l'instruction à Nanterre, Valentine Morel, avait estimé cette mise en examen du policier inutile. A ses yeux, seule une énième expertise médico-légale pouvait être utile pour tout reprendre de zéro. Le médecin de Garches désigné dans ce contexte, fin 2011, a rendu des conclusions contraires à celles de l'équipe de Dominique Leconte, alors directrice de l'Institut medico-légal de Paris. Alors, face à des expertises divergentes, la juge a prononcé un non-lieu.
Cette semaine, la chambre de l'instruction s'est rangée à l'argument, relevant que l'avocat des proches de Tandia, Maître Yassine Bouzrou, n'a pas sollicité d'expertise complémentaire. "Pourquoi faire ?" rétorque l'avocat, dépité. "Pour rallonger encore l'instruction, qui était pourtant quasi bouclée ? Avant cette dernière expertise, la juge Morel disposait déjà du travail considérable des légistes de l'Institut médico-légal."

Las des atermoiements de la justice, Maître Bouzrou promet toutefois de saisir la Cour de Cassation dès aujourd'hui. En effet, la chambre de l'instruction motive sa décision par une absence de certitudes quant aux conséquences de la fameuse "prise d'étranglement" du policier.

"Les certitudes, c'est pour le tribunal, pas pour le juge d'instruction", s'agace l'avocat, prêt à se tourner également, s'il le faut, vers la Cour Européenne des droits de l'Homme. Les proches du Malien, arrêté en décembre 2004 parce qu'il était en situation irrégulière, sont consternés.

Valérie Mahaut.

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Même issue pour des policiers de Colombes.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles a également confirmé le non-lieu rendu dans l'affaire Mahamadou Marega. Ce Malien sans papiers, comme Abou Bakari Tandia, est mort, lui, à Colombes dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 2010 après avoir reçu plusieurs décharges de Taser. Les policiers avaient utilisé leur pistolet à impulsions électriques pour le calmer. Hébergé dans un appartement du Petit-Colombes, le Malien avait eu une violente dispute avec son hôte. Ce dernier avait appelé la police. Face aux hommes en uniforme, Mahamadou Marega s'était énervé et avait tenté de leur échapper. A l'automne dernier, la juge a rendu un non-lieu, estimant que les charges contre les policiers ayant utilisé le Taser étaient insuffisantes. Marie Alix Canut-Bernard, avocate des proches du Malien, avait fait appel, s'appuyant notamment sur l'avis du défenseur des Droits, qui, lui, recommandait des poursuites disciplinaires contre les policiers. La justice n'a pas suivi ses recommandations.