Comme une litanie, la liste des victimes s’égraine, poignante et si longue, du haut parleur de la camionnette qui roule au pas rue Lafayette : nom des victimes, âge, contexte de leur mort. Certaines précisions donnent la nausée, comme l’arrêt cardiaque de Mahamadou Maréga à Colombes après plus d'une dizaine de tirs de tazer à bout portant. Plus d'une dizaine ! ou l'étouffement du jeune Lamine Dieng à Paris comme du vieux Ali Ziri à Argenteuil dans leurs vomissures, provoquées par les techniques de "pliage" ou d'immobilisation surdimensionnées au point d'entrainer la mort.

Le refrain de la litanie : ces personnes n'étaient pas armées, pas dangereuses. Ces hommes étaient aux mains de la police et ils en sont morts, sans que leurs proches ne disposent de circonstances précises et honnêtes auxquelles se raccrocher : au contraire, la mémoire des victimes est en général salie par une entreprise bien rôdée de dénigrement souvent repris aveuglement par les médias. Il avait bu, il était agressif, il était positif au canabis, il était déjà connu des services de police... Qu'importe si l’enquête fini par revenir sur ces affirmations-réflexes destructrices, qu'importe si dans certains cas, on découvre que c'est le policier qui a tiré et non la victime qui était sous l'emprise de l'alcool et du canabis !

Ces hommes de plus en plus nombreux meurent en France aux mains de la police sans que la justice ne tire de conclusion logique de ces morts.
Bien au contraire, cette édition 2013 de la manifestation contre les violences policières est marquée par la succession de non lieux et de confirmation de non lieux en appel.
Tous les ans, cette liste indigne s'allonge d'au moins 15 noms supplémentaires.
Le seul fil conducteur à toutes ces morts évitables : ces personnes sont des hommes issus de la diversité.

Visages douloureux mais déterminés, les proches, soeurs, frères, pères, mères, amis, voisins des victimes, accompagnés de militants associatifs contre les violences policières et pour les droits de l'homme marchent, comme ils le font depuis 3 ans déjà, lors de cette manifestation collective intitulée "Vies Volées".

Pourquoi marchons nous ? Nous réclament la reconnaissance du statut de victimes pour les familles des personnes tuées, une aide concrète dans le labyrinthe de la justice, la fin de la persécution des sans papiers et de cette terreur qui pousse certains innocents à fuir la police qui les course jusqu'à sauter dans un fleuve et se noyer lorsqu'ils savent leur titre de séjour périmé... et surtout l'interdiction de formation et d'utilisation des techniques mortelles par les policiers, ainsi que la formation des policiers aux signes de détresse vitale, puisque les témoignages lors des instructions prouvent qu'ils confondent trop souvent soubresauts d'agonie et mouvements d'attaque...

Les manifestants ne veulent plus d'une police française au dessus des lois, comme le dénonçait Amnesty International dans son dernier rapport "notre vie est en suspens". Nos impôts ne doivent pas entretenir une police qui tue mais une police qui protège.